✍️ Tribune : L’Étrange Défaite Numérique

Souveraineté numérique : notre salut passe par le secteur privé


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Il faut relire L’Étrange Défaite de Marc Bloch pour comprendre comment une élite peut échouer collectivement, dans l’entre-soi, en refusant de penser hors du cadre et en s’interdisant de regarder la réalité telle qu’elle s’imposait.

Le livre raconte l’effondrement de l’armée française en 1940, non pas à travers les combats, mais à travers les aveuglements de ceux qui auraient dû anticiper.

L’exemple le plus frappant : la percée allemande par les Ardennes. Cette zone, jugée infranchissable pour des blindés, était à peine défendue. Les Allemands, eux, ont vu ce que personne n’avait voulu envisager. En quelques jours, ils franchissent la Meuse à Sedan, contournent la ligne Maginot, encerclent les forces alliées.

La chute fut brutale, rapide, totale.

Cette forme d’aveuglement, nous pouvons la percevoir aujourd’hui chez les élites et au cœur de l’État dans la préparation de la guerre numérique, hybride et épistémique, qui existe sous différentes formes depuis 2010 et qui s’amplifie sous l’effet conjoint de la géopolitique du monde de 2025 et des avancées dans le domaine de l’IA.

Prenons la question de la souveraineté numérique :

l’État français reproduit exactement cette mécanique, à ceci près que la plupart des citoyens et des entreprises ont bien compris les enjeux, et attendent depuis le Covid une stratégie qui réponde non seulement aux menaces, mais permette d’offrir une visibilité — à défaut d’une stabilité — sur le monde qui vient.

Et pourtant, rien n’a été annoncé pour se préparer sérieusement à l’hypothèse d’un découplage transatlantique ou à la reconfiguration brutale de l’infrastructure numérique mondiale.

Car désormais, l’État ne réagit plus en stratège, mais en influenceur.

Il gère sa communication à coups de soirées cocktails et désamorce la contestation avec un énième observatoire et un nouvel appel à projets pour le cloud de confiance.

Certes, c’est fait de manière brillante : ce sont les entreprises qui publient des posts LinkedIn pour remercier d’avoir été invitées. Cela donne l’illusion d’un écosystème en mouvement.

Mais dans les faits, plus personne n’ose dire ce qu’il pense, de peur de se voir refuser des contrats ou écarté des futurs appels à projets.

Et pourtant, la réalité finit toujours par se rappeler à nous.

Il est intéressant de voir le directeur général de l’IGN faire le fanfaron sur les projets de la DINUM, mais rester étrangement silencieux sur la position de l’IGN vis-à-vis du golfe de l’Amérique.

Ce qui serait plus intéressant — et nous ramène au livre de Marc Bloch — c’est de savoir comment l’IGN nous prépare à une guerre épistémique, dont la géographie est déjà l’une des premières victimes — et comment il compte protéger l’intégrité numérique du territoire.

Le sujet va devenir de plus en plus politique :

Comment demander aux Français de couper 5 % des dépenses sociales pour financer un effort de guerre, quand notre propre élite est incapable d’être au rendez-vous de la souveraineté numérique ?

Cette question, tout le monde se la pose — et l’État continue de l’éviter, comme si en retarder la réponse suffisait à en effacer l’urgence. Et pour cause : les revirements géopolitiques récents, qui vont à l’encontre de tout ce que nous avons connu, le paralysent.

Même si c’est un des scénarios que j’avais fait flotter il y a cinq ans, repris récemment sur LinkedIn par le délégué général du Cigref, je ne crois pas que les plateformes vont couper leurs services du jour au lendemain.

Mais ce qui est en train de se produire est plus insidieux.

À Cybernetica, ce sur quoi nous tablons — et qui est désormais validé par l’actualité — c’est la techflation : l’augmentation sensible des prix du numérique, qui pourrait nous obliger à devoir abandonner certains produits devenus trop chers. Demandez à ceux qui doivent payer leurs licences VMware ce qu’ils en pensent.

Entre l’explosion des prix et l’IA, les futures opportunités économiques exigent de ne pas se tromper de stratégie.

Il est peut-être temps de paniquer.

Nous sommes en 2025. C’est-à-dire cinq ans après la crise du Covid, après la guerre en Ukraine, après deux administrations Trump.

Plutôt qu’un observatoire sans mandat ni impact, dont l’objectif — de façon habile — est de repousser les recommandations à plus tard, les Français veulent comprendre comment ils sont protégés, ici et maintenant, dans le monde physique comme dans l’espace informationnel et numérique.

Sans vision stratégique, nous sommes confrontés à nous-mêmes.

Et depuis dix ans que l’État fait la sourde oreille — même s’il y a des gens très bien qui continuent, à leur niveau, à se battre — j’en suis arrivé à la conclusion que notre salut ne peut venir que du secteur privé.

Je pense que les régions auront aussi leur rôle à jouer.

Désormais, la véritable opportunité est de s’échapper du carcan imposé par l’État — qui est une impasse — et de sortir les produits que des gens attendent, et qui peuvent leur offrir le niveau de protection qu’ils méritent dans le monde qui vient.

J’ai déjà commencé à aider quelques entreprises à repositionner leurs produits, anticiper, et continuer à créer de la valeur au cœur de la triple disruption (géopolitique, cyber et IA) que nous vivons.

Et dans le cadre de Cybernetica.fr, nous avons lancé le Conseil de la Résilience Numérique, un espace d’entraide, de réflexion et de lucidité dans un monde au bord du chaos.

Si vous voulez nous contacter, vous savez où nous trouver.

Pour rejoindre le Conseil de la Résilience Numérique, c'est ici


En conclusion : dans un pays où l’État n’a plus de vision, nous sommes le plan B.