đŽ SouverainetĂ© numĂ©rique et loi SREN
Quel impact du projet de loi SREN sur la souveraineté numérique?
Câest la question que je me suis posĂ©e en arrivant aux universitĂ©s dâĂ©tĂ© dâHexatrust qui rĂ©unit lâensemble des acteurs de la CybersĂ©curitĂ©.Â
Au niveau de lâEurope, lâambition pour le DSA est de rĂ©guler les gĂ©ants de lâInternet sans introduire de contraintes trop fortes sur lâensemble de l'Ă©cosystĂšme. Ă cet effet, le concept de Gatekeeper a Ă©tĂ© inventĂ©. En gros, il met surtout la pression sur les GAFAM et TikTok.Â
DerriĂšre les grands discours pour rĂ©glementer lâanonymat, interdire lâaccĂšs des mineurs aux sites pornographiques, ou encore rĂ©guler les rĂ©seaux sociaux, se cachent des intĂ©rĂȘts commerciaux importants .Â
Par curiositĂ©, jâai Ă©coutĂ© les premiers dĂ©bats qui Ă©taient retransmis sur le site de lâAssemblĂ©e nationale.
Une des choses que jâavais remarquĂ©e dans ses discours, câest quâil fait trĂšs attention Ă ce quâil dit. Mais en se voulant plus consensuel, il est plus compliquĂ© Ă traduire.
Trois choses mâont interpellĂ© dans cette loi :Â
Lors dâune prise de parole chez Jean-Marie Cavada, jâavais Ă©tĂ© Ă©tonnĂ© que le Ministre parle dâune solution de WEB3 pour gĂ©rer lâauthentification des mineurs sur les sites pornos sachant quâil nâexiste pas grand-chose aujourdâhui de probant dans le domaine.Â
Lors du dĂ©bat sur la loi SREN, j'ai entendu de la part de quelques dĂ©putĂ©s exactement le mĂȘme discours : « Je connais une super startup qui peut faire des miracles », un discours plutĂŽt Ă©tonnant de la part de dĂ©putĂ©s qui doivent respecter un devoir de neutralitĂ©.Â
Pour avoir suivi pendant 20 ans les lois sur le numĂ©rique, câest la premiĂšre fois que je vois des solutions techniques proposĂ©es par des acteurs privĂ©s comme rĂ©ponse Ă un argument juridique.
Historiquement, lâANSSI a une mission de protection et de rĂ©silience des infrastructures (elle fait dâailleurs un travail remarquable.) et lâARCOM et lâARCEP sont des organismes de rĂ©gulation respectivement de l'Audiovisuel et des TĂ©lĂ©coms.
Avec cette nouvelle loi, elles deviennent des faiseurs de rois.Â
Pour opérer son business dans le numérique en France, faudra-t-il passer obligatoirement par leurs guichets pour obtenir un tampon ?
Dâautre part, ces nouvelles missions sont loin de leurs compĂ©tences dâorigine.
Ses dĂ©cisions vont-elles impacter le code des acteurs du numĂ©rique ? A-t-elle dĂ©jĂ les compĂ©tences pour le faire en interne?Â
Quel sera-t-il ? Est-ce que cela sera celui des GAFAM ? Que feront les acteurs, notamment ceux du logiciel libre, qui se basent sur dâautres standards techniques ? Seront-ils exclus du marchĂ© ?Â
Comme me le disait un spĂ©cialiste du secteur, lâARCEP a hĂ©ritĂ© dâun gros dossier en plus de ses compĂ©tences traditionnelles. Rappelons que le marchĂ© des tĂ©lĂ©coms ne compte en rĂ©alitĂ© que 5 fournisseurs : Ericsson, Nokia, Huawei, ZTE et Samsung. Les trois derniers nâexistent que par un soutien important de leurs pays dâorigine. Câest un marchĂ© de gros.Â
Dans le monde du Cloud, nous avons certes quelques gĂ©ants mais aussi un Ă©cosystĂšme trĂšs actif avec des petits acteurs. Parfois trois ingĂ©nieurs construisent la petite brique logicielle qui change tout. Attention Ă ne pas tout casser en dĂ©courageant ces acteurs de rĂ©aliser leurs projets en France.Â
Code is law or law is useless new code ?Â
Pour la premiĂšre fois, nous allons voter une Loi qui oblige Ă changer les pratiques techniques dans une direction qui a Ă©tĂ© choisie dans une forme d'opacitĂ©. Pratiques techniques que seuls ceux qui auront leurs entrĂ©es, câest-Ă -dire les plus gros, pourront faire Ă©voluer Ă leur avantage. Â
Quant Ă lâidĂ©e que la France pourrait servir de modĂšle pour le reste du monde, cela me rappelle le format SECAM de la tĂ©lĂ©vision. La France avait son propre standard, le reste de lâEurope le sien et les Ătats-Unis, le leur. Seuls quelques gĂ©ants du tĂ©lĂ©viseur comme Sony supportaient les trois standards.Â
La question est simple : si on hĂ©berge des donnĂ©es de santĂ© ou autres donnĂ©es sensibles, peut-on continuer Ă le faire chez les GAFAM comme le font Doctolib ou le Health Data Hub?Â
Le gouvernement est opposé à cet article et sa majorité a proposé des amendements pour le retirer de la Loi SREN.
Ce Ă quoi la SĂ©natrice Catherine Morin Desailly mâexplique quâau contraire, un vote favorable Ă cet amendement du Parlement français serait un levier extraordinaire pour le Ministre dans ses nĂ©gociations.Â
Les versions sous licences des services des GAFAM qui pourraient rĂ©pondre au test dâimmunitĂ© aux lois d'espionnage amĂ©ricaines ne sont pas encore prĂȘtes. En off, on parle de 2025 !Â
Dilemme.Â
Une loi peut-elle organiser un marchĂ© sans bureaucratiser ou limiter les innovations technologiques des acteurs ?Â
Câest possible. Dâune certaine maniĂšre, la loi SREN nâest pas diffĂ©rente de la loi Dadvsi en 2004 qui devait rĂ©guler lâindustrie de la musique en ligne.Â
Il y a beaucoup dâenseignements Ă en tirer, surtout sur ce quâil ne faut pas faire.Â
Musique en ligne 2004 :Â
Nous avions 3 types dâacteurs :Â
Jâavais proposĂ© Ă lâĂ©poque que la loi Davdsi fasse trois choses :Â
Ă l'Ă©poque, empĂȘcher toute copie voulait dire supprimer la rĂ©munĂ©ration pour copie privĂ©e et donc priver lâindustrie dâune manne importante. Et il nâĂ©tait pas possible d'empĂȘcher le tĂ©lĂ©chargement P2P qui sâappuie sur une base lĂ©gale (mĂȘme si contestĂ©e Ă lâĂ©poque).Â
Elle nâa pas su lĂ©gifĂ©rer clairement sur le sort des Webradios en streaming. Elle est rapidement devenue totalement anachronique car le marchĂ© de la musique a Ă©tĂ© profondĂ©ment bouleversĂ© par lâarrivĂ©e du streaming.
Personne Ă lâĂ©poque nâavait imaginĂ© que le streaming deviendrait le principal moyen dâĂ©couter de la musique.Â
Quid du Cloud ?Â
Si jâĂ©tais le lĂ©gislateur, je mâassurerais de permettre Ă plusieurs marchĂ©s dâĂȘtre viables. Des marchĂ©s qui existent dĂ©jĂ , et dâautres Ă©mergents . Si on les fige par la loi, alors on prend un risque.Â
Pour expliquer ce qui est en jeu, jâai fait quelques schĂ©mas sur ma tablette.Â
Le marchĂ© du Cloud en 2019 :Â
- Les GAFAM, qui sont trĂšs populaires chez les startups et les grands groupes. Ils sont massivement aidĂ©s par les Ătats-Unis (plusieurs dizaines de milliards de dollars de commandes pour construire les clouds de la dĂ©fense, du commerce et de la CIA)
- Les acteurs français et europĂ©ens du Cloud qui sont souvent en sous-financements et qui ont besoin de contrats pour continuer Ă embaucher des ingĂ©nieurs et des vendeurs. Il faut les soutenir avec la commande publique et leur donner des garanties quâils seront bien choisis sur les marchĂ©s des donnĂ©es sensibles.Â
- Les plus petits acteurs et le monde du logiciel libre qui rĂ©pondent souvent Ă des besoins non traitĂ©s par les gros et qui gĂ©nĂ©ralement font la vitalitĂ© technologique dâun pays.Â
Mais un cloud sous licence est trĂšs compliquĂ©, car il faut dupliquer les services. Les retards sâaccumulent. On parle de 2025 pour son lancement commercial.
Le marché du Cloud au Centre en 2021 :
ProblĂšme soulevĂ© par de nombreux acteurs : les GAFAM sont soumis aux lois dâespionnage extraterritoriales amĂ©ricaines. Peut-on vraiment y mettre des donnĂ©es sensibles ?Â
Ce label introduit dans sa version 3.2 la question de lâextraterritorialitĂ©. Si les Cloud GAFAM sous licences passent le test, alors ils auront accĂšs aux marchĂ©s protĂ©gĂ©s de lâĂtat.Â
Il y a Ă©galement un effet de bord de Secnum Cloud, trĂšs coĂ»teux en temps et en argent, qui empĂȘche les petits dâentrer sur le marchĂ© protĂ©gĂ© de lâĂtat.
Reste le problĂšme des offres de cloud des GAFAM qui ne seraient pas fournies sous licence Ă des acteurs français (Offres GAFAM classiques) et qui ne pourrons jamais passer le test dâimmunitĂ© aux lois extraterritoriales de Secnum Cloud.
La PrĂ©sidente de lâEurope, Ursula von der Leyen sâapplique Ă rĂ©gler le problĂšme avec un nouvel accord. En attendant que Max Schrems fasse Ă nouveau casser ce dernier. Allons-nous vers un Schrems III? ?Â
Pour ceux qui veulent comprendre tout cela plus en dĂ©tail, lisez mon ebook âLettre Ă ceux qui veulent faire tourner la France sur lâordinateur de quelquâun dâautreâ.Â
La loi SREN et son impact sur le Cloud 2023 :
Pour équilibrer le marché du Cloud, la loi SREN pourrait faire trois choses :
La bureaucratie est l'ennemie de l'innovation.Â
Conclusion provisoire
Jâai toujours pensĂ© que pour les petits Ă©diteurs qui vont travailler avec des hĂ©bergeurs dĂ©jĂ certifiĂ©s Secnum Cloud, une procĂ©dure plus lĂ©gĂšre devrait exister.
Il faut apprendre Ă lĂ©gifĂ©rer en ayant confiance dans le futur et dans la crĂ©ativitĂ©. Câest ce que lâinformatique a toujours su faire.
Ă vouloir trop bloquer le marchĂ© du Cloud dans le prĂ©sent, on lâempĂȘche dâavoir un futur.Â
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