C’est l’histoire d’un entrepreneur engagé : Tariq Krim, personnalité influente dans le secteur du numérique, est un ardent défenseur de la souveraineté française et européenne face aux géants américains et chinois. Riche d’un parcours international, cet agitateur d’idées alerte les autorités sur les risques de l’époque.
À l’approche de la cinquantaine, après plusieurs décennies de réflexions sur la vie numérique, Tariq Krim serait-il fatigué ou résigné de prêcher dans le désert ? Cet homme calme et posé n’en donne absolument pas l’impression. On le dirait même surmotivé, regonflé par les derniers événements qui placent les mastodontes du web au cœur de nos vies. Car Tariq Krim a passé l’essentiel de son existence à réfléchir sur l'avenir de l'informatique. Français d'origine algérienne (ses parents professeurs d’économie et de sport sont nés de l’autre côté de la Méditerranée), il a compris dès son enfance à Paris ce que serait notre monde d'aujourd'hui. « Dans les années 1980 et le début des années 1990, j’ai eu la chance de découvrir le monde des réseaux avant l’internet, de prendre conscience que c’était ça l’avenir. Très jeune, un ordinateur connecté à un Modem et à un autre ordinateur à l’autre bout de la planète, je me suis dit que c’était ça que je voudrais faire plus tard. »
Les GAFAM dans le viseur
Et Tariq Krim a tenu promesse. Depuis, il alimente, décrypte, bouscule cette cyberculture toujours plus triomphante. D'abord en France dans le journalisme économique, puis aux États-Unis dans la Silicon Valley. Il lance un site spécialisé dans la musique en ligne, en plein débat sur les échanges de fichiers musicaux. Insuffisant pour ce touche-à-tout, qui à la lumière de ses expériences transatlantiques se lance dans plusieurs combats numériques : le droit à l'information, le partage des savoirs, le respect de la vie privée. En ligne de mire, les géants du secteur, à commencer par les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). « Au fur et à mesure, des pans entiers de l’internet ont été contrôlés par des entreprises dominantes. Il n’y a plus eu de compétition. C’est ce que j’appelle parfois la grande dépossession. Toute notre vie numérique est allée dans le cloud, et aujourd’hui, on n’a pas forcément l’accès complet à ces informations. Aujourd’hui, on utilise des briques technologiques, des infrastructures dont on dépend, ce qui pose des questions de souveraineté. »
Choix économiques et souveraineté
Ce grand voyageur voudrait inspirer les dirigeants politiques, tout en désapprouvant leurs choix trop guidés selon lui par des considérations économiques, à courte vue. Par exemple en matière de cybersécurité, après les attaques venues de Chine et de Russie. « La question est de savoir si nous (les Européens) devrions rejoindre une sorte d’Otan numérique souhaitée par l’administration Biden, dans lequel ils perdraient une grosse partie de notre souveraineté. Ou est-ce que nous construisons notre propre environnement autonome en développant une souveraineté numérique essentielle si nous souhaitons vivre comme nous le souhaitons dans les trente ans qui viennent. » Tariq Krim estime que la France devrait mieux valoriser ses développeurs. Il doit lancer en France dans les semaines qui viennent la première plateforme de souveraineté numérique personnelle qui s’appuie sur les acteurs locaux du Cloud.
Tariq Krim est l’auteur d'un ouvrage : « Lettre à ceux qui veulent faire tourner la France sur l'ordinateur de quelqu'un d'autre. Requiem pour la souveraineté numérique »,