🔴 Quelles politiques numériques à moins de deux ans de 2027 (et après) ?
L’idée de cette newsletter est d’anticiper comment le secteur se prépare de moins en moins discrètement déjà à l’ère post-Macron. Une ère dont le moteur idéologique numérique reste encore à définir.
Comme je l’ai expliqué lors de ma précédente newsletter, j’ai le sentiment que l’action est plus efficace en dehors des circuits officiels. Surtout lorsqu’il s’agit de réfléchir et de travailler en profondeur dans un environnement bienveillant.
À deux ans de la prochaine élection présidentielle, les politiques numériques de l’État français semblent désormais en pilotage automatique.
- Absence de vision claire : aucune doctrine numérique forte n’est portée par le gouvernement. Les grands outils comme France 2030 ou la BPI sont en train de se réorienter vers les secteurs défense et souveraineté après avoir joué la carte de la réindustrialisation, mais il va falloir du temps pour que cette stratégie porte ses fruits.
- Stratégie du risque politique zéro : pour l’instant, on cherche à gagner du temps pour masquer la sidération face à la politique économique et diplomatique des US.
En cette longue période de transition vers la prochaine présidentielle, les futures écuries présidentielles sont déjà en train de staffer et de réfléchir à leur programme, et ont déjà commencé à approcher les gens de la tech.
Trois lignes politiques numériques en recomposition et en compétition
Jusqu’à maintenant, le numérique était considéré comme un sujet technique ou secondaire. Il devient désormais un marqueur idéologique. Musk, Thiel et le DOGE sont passés par là .
Voici les trois directions qui sont étudiées :
À gauche, le numérique reste encore majoritairement perçu comme un outil d’innovation sociale ou de transition écologique. Les questions de souveraineté sont plus difficiles à porter : ces partis restent historiquement liés aux GAFAM et continuent d’espérer un retour des démocrates à la Maison-Blanche, qui permettrait de revenir au business as usual de l’ère Macron-Hollande. Par exemple, le débat sur la baisse du niveau de protection sociale pour financer la défense et l’acceptation d’un découplage transatlantique restent des débats difficiles à faire accepter à leurs électeurs. Cela dit, on commence à voir des divergences stratégiques intéressantes, parfois portées par des figures plus jeunes ou par des élus locaux.
À droite, la logique est celle d’un retour à une politique industrielle structurée et plus souveraine. L’objectif n’est plus de soutenir prioritairement les start-ups, mais de collaborer avec les grands groupes pour renforcer la souveraineté technologique ainsi que l’effort de défense. C’est une vision rêvée de Bercy : les petits acteurs sont trop peu compris ou considérés comme hors périmètre. On revient à une approche hiérarchique, fondée sur le poids des acteurs installés. Il faut remarquer que la droite se repositionne sur un segment des républicains américains de l’époque Bush : le big business et la national security. C’est un pari technologique et économique nouveau qui doit aussi convaincre leurs électeurs.
À l’extrême droite, le numérique est désormais considéré comme un levier de souveraineté sécuritaire et territoriale. La technologie devient l’outil de la politique. Et si un “DOGE sécuritaire” devait émerger, ce serait possible parce que l’infrastructure ultra-centralisée de l’État-plateforme le permet. Une infrastructure pensée sous Hollande, prolongée sous Macron, et qui, sans aucun garde-fou, peut aujourd’hui être facilement réorientée vers la gestion des flux migratoires, le sécuritaire, le pilotage des droits sociaux. À côté de cela, un petit nombre d’acteurs technologiques oubliés de la startup nation espèrent, à la manière de Peter Thiel et Musk avec Trump, bénéficier des retombées commerciales de la mise en œuvre d’un tel programme. Un cas d’école nouveau pour le monde de la Tech.
Ce qui est sûr, c’est que dans ce contexte, le camp présidentiel — celui d’Emmanuel Macron et de son Premier ministre François Bayrou — n’a plus la main.
Tous les systèmes qui avaient été activés pour soutenir la politique numérique sont aujourd’hui en mode dégradé, ou carrément à l’arrêt. Dans cette situation, beaucoup de gens vont préférer rester en retrait.
Faut-il continuer avec l’appareil actuel, ou amorcer de nouveaux rapprochements ?
Cette incertitude rejaillit aussi sur les hauts fonctionnaires, pris par une peur panique : devoir basculer dans une ère politique trop clivée, dans laquelle il ne serait plus possible de “survivre” en étant compatible avec tout le champ politique.
Mais cette recomposition pourrait aussi ouvrir une brèche. 2027 sera la première élection présidentielle pour laquelle des projets numériques différents — portés par des visions politiques opposées — pourraient proposer des modèles de société réellement divergents.
Le système actuel, d’un numérique maintenant une neutralité apparente et dont l’utilité est exclusivement économique, n’est plus tenable.
C’est à la fois passionnant et inquiétant, car nous entrons dans une nouvelle phase, dans laquelle le numérique cessera d’être un sous-dossier technique géré à la marge, pour devenir un levier stratégique pleinement politisé. Et où la population va découvrir l’absence de garde-fous ou de stratégie numérique cohérente en cas de choix d’une politique plus radicale.
Comment travailler avec l’État dans les 18 prochains mois ?
J’en parle dans la seconde partie avec nos abonnés payants.