Avant-garde numérique

Cybernetica propose une autre vision du numérique pour se préparer au futur qui se dessine (géopolitique, nouvelles conflictualités, IA, cultures synthétiques, économie post-données).

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"Il faut s'appuyer sur les développeurs pour réinventer la France", selon Tariq Krim.

"Il faut s'appuyer sur les développeurs pour réinventer la France", selon Tariq Krim.

C'est ce 25 mars que Tariq Krim, fondateur de Netvibes et Jolicloud, remet son rapport "Les développeurs, un atout pour la France", à Fleur Pellerin. Outre une série de recommandations pour que les savoir-faire des développeurs soient mieux reconnus, l'entrepreneur a constitué une liste de 100 développeurs français de référence dans leur domaine respectif. Entretien.

L'Usine Digitale - D'où vous est venue cette idée de liste de "100 développeurs français" ?

Tariq Krim – Mon constat de départ est simple : la France possède de vrais talents du code. Beaucoup sont à l'origine des plus grandes sociétés du web, de technologies essentielles. On le sait peu, mais le co-fondateur de Linkedin est un Français, celui d'Android aussi, des Français ont participé à la création de Google Cloud, de l'iPhone, de Gmail… Or, en France, on a tendance à considérer ces personnes, présentes dans des universités ou des entreprises, comme de simples exécutants, tandis qu'aux Etats-Unis ce sont des stars, extrêmement valorisées.

Si on veut réinventer la France, il faut s'appuyer sur ce savoir-faire technique. D'où l'idée  de cette liste - forcément subjective et non exhaustive - de 100 développeurs de tous horizons : certains sont des codeurs-entrepreneurs, d'autres ont créé des briques essentielles sur le web ou travaillé pour certains des plus grands services du Web. Ils doivent être considérés comme des atouts pour notre pays.

Y'a-t-il une "French touch" du code, une patte véritablement française ?

Nous sommes excellents dans l'algorithmique associée aux mathématiques, c'est d'ailleurs un trait commun avec la Russie. Notre système sélectionne les élèves par les maths. Lorsqu'en plus, on ajoute une compétence informatique, cela donne un cocktail explosif. C'est pour cela que nous sommes si bons en compression audio et vidéo. Mais attention : mon discours ne consiste pas à dire que nous sommes meilleurs que les autres, j'explique simplement qu'il y a une génération de gens qui ont révolutionné les choses depuis la France.

Que préconisez-vous pour que les codeurs soient mieux perçus et encouragés dans notre pays ?

Il y a un sujet majeur, c'est la réforme de l'Etat et les grands projets. On peut penser que si les développeurs étaient davantage associés aux décisions, certaines erreurs pourraient être évitées. On a plusieurs exemples de gabegies techniques en tête : Louvois ou le dossier médical personnalisé, entre autres.

L'autre priorité c'est l'éducation, avec l'apprentissage du code dès l'école primaire. Il ne s'agit pas de créer une société où tout le monde serait développeur mais de susciter un éveil. Tout comme on pratique le dessin, la musique, la gymnastique à cette période, on pourrait s'éveiller au code. Je propose de développer les formations en cycles courts et de s'adresser aux décrocheurs, comme peut le faire L'Ecole 42. Il faut aussi que les écoles d'ingénieurs soutiennent leurs élèves qui, en sortant, veulent se diriger vers le code.

Une fois formés, il faut aussi que les développeurs puissent évoluer et s'épanouir dans les entreprises…

Oui, en France, pour qu'un développeur accède à des postes de responsabilité, il faut qu'il change de métier, renonce à coder ! On a tendance à promouvoir des gens qui n'ont pas les compétences techniques en se disant, "c'est pas grave, on a les compétences à n-4, n-5". Nous sommes dans un  modèle ancien, celui du culte du chef de projet, du cahier des charges… C'est culturel. Aux Etats-Unis, c'est l'inverse, les développeurs sont mieux valorisés que des chefs de projets, qui, pour le coup, sont considérés comme des assistants. Il faut trouver le bon équilibre.

En France, la plupart des projets sont conduits comme dans les années 70, il n'y a pas de fun. Or pour qu'un développeur s'épanouisse, il lui faut des perspectives enthousiasmantes, des projets "cools". C'est ce qu'il part chercher dans la Sillicon Valley.

A travers ce rapport, je pose la question : des codeurs qui ont créé leur boite comme Bill Gates, Mark Zuckerberg, Larry Page, Jack Dorsey, pourraient-ils lever des fonds dans la France d'aujourd'hui ? Ou le modèle de financement ne privilégie-t-il pas des profils de managers ou de talents issus d'écoles de commerce ? J'espère que mon travail permettra de faire bouger les lignes. Dans un monde profondément numérique, la France doit basculer d'autant plus rapidement qu'elle possède de bons développeurs.

Article original

Il faut s'appuyer sur les développeurs pour réinventer la France selon Tariq Krim.

Il faut s'appuyer sur les développeurs pour réinventer la France selon Tariq Krim.

C'est ce 25 mars que Tariq Krim, fondateur de Netvibes et Jolicloud, remet son rapport "Les développeurs, un atout pour la France", à Fleur Pellerin. Outre une série de recommandations pour que les savoir-faire des développeurs soient mieux reconnus, l'entrepreneur a constitué une liste de 100 développeurs français de référence dans leur domaine respectif. Entretien.

L'Usine Digitale - D'où vous est venue cette idée de liste de "100 développeurs français" ?

Tariq Krim – Mon constat de départ est simple : la France possède de vrais talents du code. Beaucoup sont à l'origine des plus grandes sociétés du web, de technologies essentielles. On le sait peu, mais le co-fondateur de Linkedin est un Français, celui d'Android aussi, des Français ont participé à la création de Google Cloud, de l'iPhone, de Gmail… Or, en France, on a tendance à considérer ces personnes, présentes dans des universités ou des entreprises, comme de simples exécutants, tandis qu'aux Etats-Unis ce sont des stars, extrêmement valorisées.

Si on veut réinventer la France, il faut s'appuyer sur ce savoir-faire technique. D'où l'idée de cette liste - forcément subjective et non exhaustive - de 100 développeurs de tous horizons : certains sont des codeurs-entrepreneurs, d'autres ont créé des briques essentielles sur le web ou travaillé pour certains des plus grands services du Web. Ils doivent être considérés comme des atouts pour notre pays.

Y'a-t-il une "French touch" du code, une patte véritablement française ?

Nous sommes excellents dans l'algorithmique associée aux mathématiques, c'est d'ailleurs un trait commun avec la Russie. Notre système sélectionne les élèves par les maths. Lorsqu'en plus, on ajoute une compétence informatique, cela donne un cocktail explosif. C'est pour cela que nous sommes si bons en compression audio et vidéo. Mais attention : mon discours ne consiste pas à dire que nous sommes meilleurs que les autres, j'explique simplement qu'il y a une génération de gens qui ont révolutionné les choses depuis la France.

Que préconisez-vous pour que les codeurs soient mieux perçus et encouragés dans notre pays ?

Il y a un sujet majeur, c'est la réforme de l'Etat et les grands projets. On peut penser que si les développeurs étaient davantage associés aux décisions, certaines erreurs pourraient être évitées. On a plusieurs exemples de gabegies techniques en tête : Louvois ou le dossier médical personnalisé, entre autres.

L'autre priorité c'est l'éducation, avec l'apprentissage du code dès l'école primaire. Il ne s'agit pas de créer une société où tout le monde serait développeur mais de susciter un éveil. Tout comme on pratique le dessin, la musique, la gymnastique à cette période, on pourrait s'éveiller au code. Je propose de développer les formations en cycles courts et de s'adresser aux décrocheurs, comme peut le faire L'Ecole 42. Il faut aussi que les écoles d'ingénieurs soutiennent leurs élèves qui, en sortant, veulent se diriger vers le code.

Une fois formés, il faut aussi que les développeurs puissent évoluer et s'épanouir dans les entreprises…

Oui, en France, pour qu'un développeur accède à des postes de responsabilité, il faut qu'il change de métier, renonce à coder ! On a tendance à promouvoir des gens qui n'ont pas les compétences techniques en se disant, "c'est pas grave, on a les compétences à n-4, n-5". Nous sommes dans un modèle ancien, celui du culte du chef de projet, du cahier des charges… C'est culturel. Aux Etats-Unis, c'est l'inverse, les développeurs sont mieux valorisés que des chefs de projets, qui, pour le coup, sont considérés comme des assistants. Il faut trouver le bon équilibre.

En France, la plupart des projets sont conduits comme dans les années 70, il n'y a pas de fun. Or pour qu'un développeur s'épanouisse, il lui faut des perspectives enthousiasmantes, des projets "cools". C'est ce qu'il part chercher dans la Sillicon Valley.

A travers ce rapport, je pose la question : des codeurs qui ont créé leur boite comme Bill Gates, Mark Zuckerberg, Larry Page, Jack Dorsey, pourraient-ils lever des fonds dans la France d'aujourd'hui ? Ou le modèle de financement ne privilégie-t-il pas des profils de managers ou de talents issus d'écoles de commerce ? J'espère que mon travail permettra de faire bouger les lignes. Dans un monde profondément numérique, la France doit basculer d'autant plus rapidement qu'elle possède de bons développeurs.

Propos recueillis par Sylvain Arnulf

La France a besoin d'un choc de numérisation.

La France a besoin d'un choc de numérisation.

Le créateur de Netvibes et Jolicloud plaide pour que nos élites s'emparent enfin du numérique. Pour que la France ne rate pas une nouvelle fois le coche !


Né à Paris il y a 41 ans, Tariq Krim est le fondateur des start-up Netvibes et Jolicloud. Il n'a jamais eu peur de défier Google sur son propre terrain. Dès 2007, il a été repéré par la prestigieuse MIT Technology Review. Il a été sélectionné comme "Young Global Leader" par le Forum de Davos l'année suivante. Pour lui, le manque de reconnaissance et de soutien du savoir-faire technologique français empêche notre pays de devenir un leader du numérique. Il a été missionné par la ministre Fleur Pellerin, chargée des PME, de l'Innovation et de l'Économie numérique pour dresser une carte des talents du numérique et a décidé de s'intéresser aux développeurs. Il vient de rendre son rapport. Plus qu'un choc de simplification, il propose un choc de numérisation. Interview.

Le Point : Pourquoi vous intéressez-vous aux développeurs ?

Tariq Krim : Aujourd'hui, tout est ou sera logiciel. Cette bataille pour l'invention du monde de demain, nous sommes en train de la perdre, parce que nous avons longtemps déconsidéré notre principal actif numérique : nos développeurs. Ils sont pourtant les véritables héros de la révolution numérique qui est en cours. Ce sont eux qui façonnent nos outils, qui écrivent à coups de lignes de code notre futur. Regardez Bill Gates (Microsoft), Larry Page (Google), Mark Zuckerberg (Facebook), qui ont construit les géants du Net, ils ont un point commun : ils sont tous développeurs. Que seraient les États-Unis s'ils s'étaient privés de ces talents ? Aux États-Unis, les codeurs sont reconnus et célébrés. Partout, des initiatives sont lancées pour permettre aux enfants d'apprendre, dès le plus jeune âge, les bases de la programmation ou pour pousser plus de femmes à se lancer dans le code.

Et en France ?

La France, malheureusement, n'a jamais su valoriser sa communauté de développeurs. Ils sont souvent méprisés et n'accèdent jamais aux postes de décision, au sein de l'État ou des grandes entreprises. Considérés comme des exécutants, ils ne sont jamais impliqués dans la stratégie des entreprises. Cela est totalement contre-productif ! Quand on pense au rôle des développeurs français dans le succès des géants numériques américains...

Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?

Ils sont tellement nombreux ! LinkedIn a été co-créé par Jean-Luc Vaillant. Romain Guy a joué un rôle crucial dans le développement d'Android. Google TV ou même Gmail ont été co-inventés par des Français. Et chez Apple, Steve Jobs a toujours su puiser dans nos talents nationaux. Jean-Marie Hullot est un peu le père de l'iPhone et Bertrand Serlet a longtemps été responsable de la division Mac OS. Je pourrais continuer pendant une heure...

Pourquoi la France, qui était à l'origine du Minitel, n'a-t-elle pas réussi à devenir une grande nation numérique ?

Parce que la France n'a eu aucune vision industrielle du numérique. Dans les années 80, nous n'avons pas su développer notre industrie informatique. Dans les années 90, ce fut le tour des téléviseurs et de la téléphonie mobile. Rappelez-vous le "fabless", les entreprises sans usine chères à Serge Tchuruk lorsqu'il était à la tête d'Alcatel, ou encore du "Thomson, ça vaut un euro" du Premier ministre Alain Juppé. Sait-on qu'à l'époque un téléphone sur trois vendu dans le monde était fabriqué en France ? Et que, plus tard, c'est l'ancienne équipe américaine de Thomson qui a mis au point la Google TV ? Quand on fait disparaître les usines, on fait aussi disparaître le savoir-faire.

Cela a continué ensuite ?

Hélas, oui, l'absence totale d'investissements dans les plateformes internet, toujours considérées par certaines élites comme un gadget, a laissé le champ libre à Google, Apple et Facebook pour dominer le marché du cloud et héberger toutes nos données personnelles. La conséquence, c'est que toutes nos industries comme la banque, l'assurance, le transport, les voyages, l'énergie, la presse, le cinéma, la santé ou encore l'éducation sont désormais réduites à devenir des "applis" sur un écran contrôlé par Apple ou Google.

Il y a tout de même la French tech...

La communication est bonne, mais il faudrait que les moyens suivent. Nous sommes dans une révolution comparable à l'avènement de l'automobile où nous nous satisferions de créer les meilleures usines de rétroviseurs. On a certes quelques beaux objets, comme la balance ou des thermostats connectés, mais si nous n'avons pas les plateformes pour exploiter les données, c'est encore Google, qui vient d'ailleurs de s'offrir Nest, qui pourrait tout rafler.

Où en êtes-vous avec Jolicloud, la plateforme cloud que vous avez créée à Paris ?

Avec une poignée de très jeunes ingénieurs, nous avons réussi à installer notre système sur 2 millions de machines et nous nous sommes même payé le luxe, pendant trois ans, de dépasser Chrome OS, le concurrent de Google en nombre de postes installés. Nous aurions pu donner une seconde vie à l'ensemble du parc informatique français, notamment les écoles pour les aider dans leur transition vers le cloud. Mais nous n'avons jamais eu de soutien ni des politiques ni de l'État, alors même que ces derniers n'arrêtent pas de dire qu'ils veulent faire émerger le prochain Google ! Résultat, nous avons dû repositionner nos produits sur la technologie Google et nous concentrer sur le marché américain.

Resteriez-vous en France si vous deviez recommencer l'aventure ? L'appel de l'étranger est toujours fort chez nombre d'entrepreneurs.

Dans le numérique, le manque d'ambition est frustrant. J'avais remarqué cela à l'époque de Netvibes. Nous aurions pu en faire un géant mondial. Notre produit était adulé par des utilisateurs du monde entier, mais une partie de mon équipe et de mes investisseurs voulait quelque chose de rapidement rentable et beaucoup moins ambitieux. La France est un pays où l'on peut faire de belles entreprises de e-commerce, mais, si vous voulez changer le monde, je pense que Berlin ou New York sont plus accueillantes. C'est dommage, car Paris est une ville excitante et pleine de talents.

On a l'impression qu'il y a un problème culturel avec l'innovation disruptive en France...

On a surtout un problème de compétence. Au choc de simplification, le président aurait dû préférer un choc de numérisation afin d'amener rapidement notre pays dans l'ère numérique. Mais, pour cela, il faut accepter le fait que certaines élites en place ne sont pas capables de conduire le changement et faire le pari du renouveau, de l'audace et de la jeunesse.

Pourquoi est-ce grave ?

Si la France veut garder son modèle d'État providence, elle doit le rendre numérique. Offrir la prévention numérique gratuite pour tous, par exemple, pour réduire le coût de traitement des soins, notamment pour les maladies chroniques. Rendre tous les services administratifs aussi simples qu'une application mobile. Il faudrait aussi soutenir les alternatives aux grandes plateformes américaines sur les secteurs-clés. La France dispose de milliers de start-up et de développeurs sur lesquels elle pourrait s'appuyer. Une telle initiative devrait être coordonnée par un chief technology officer, à l'instar de ce qui a été fait aux États-Unis.

Pourquoi la France a-t-elle besoin d'un chief technology officer ?

Il faut des compétences technologiques au plus haut niveau de l'État. Il y en a marre de l'amateurisme, des projets dispendieux et des gaspillages. Ce serait un signal fort que l'on prend enfin les choses au sérieux.

Pourquoi les élites ne s'emparent-elles pas de ce formidable levier de transformation qu'est le numérique ?

Au-delà de la compétence technique, c'est aussi un problème de culture. Regardez le cloud à la française : au lieu de donner des contrats à des start-up et des PME, on a donné tout l'argent aux grands groupes. Ou, pis encore, Linky, le futur compteur électrique d'EDF, qui est totalement fermé aux développeurs. C'est le meilleur cadeau fait à Google, qui va proposer sa propre solution ouverte.

Et pendant ce temps-là, le monde change...

La numérisation du monde s'accompagne d'une nouvelle phase de réorganisation violente. Dans les années 80, la France a subi la désindustrialisation massive et mis des millions d'ouvriers au chômage. Aujourd'hui arrive une nouvelle "délocalisation numérique" où le logiciel remplace le travail des classes moyennes. Les services en ligne entraînent la fermeture des guichets et des agences, les MOOC (cours en ligne) remplaceront les professeurs, la voiture sans pilote les chauffeurs de taxi, et, dans quinze ans, nos médecins généralistes seront remplacés par nos mobiles. Selon une étude américaine, ce sont 47 % des emplois qui risquent de disparaître. Il faut donc anticiper ces changements.

Y a-t-il aussi un problème de génération ?

Non, c'est avant tout une question d'envie. Devenir un leader du monde numérique, ça veut dire être capable de prendre des risques, accepter de ne pas tout contrôler et réagir rapidement. La jeunesse actuelle, notamment celle des banlieues, si elle est bien formée au numérique, est évidemment notre meilleur atout pour réimaginer et redresser ce pays. Quand je vois autour de moi l'énergie créative, et pas uniquement dans le numérique, j'avoue ne pas comprendre pourquoi notre pays devrait s'enfoncer dans le marasme, à la veille de la plus grande révolution industrielle et intellectuelle de l'histoire de l'humanité.

Article original

Quelques réflexions que m'inspire l'affaire Dailymotion.

Quelques réflexions que m'inspire l'affaire Dailymotion.

L’affaire Dailymotion fait depuis quelques jours l’objet d’une bataille entre Gauche et Droite, et surtout apparemment au sein de la Gauche elle-même. La question posée est de savoir si le gouvernement, et en particulier le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, a eu raison de s’opposer à la vente de Dailymotion à Yahoo.

Je ne m’exprimerai pas sur le fond de l’affaire dont je ne connais d’ailleurs pas tous les détails, même si je connais bien la plupart des intervenants. Je suis d’ailleurs admiratif de la nouvelle dynamique de la société depuis que Cédric a repris les rênes de la société. On pourrait toutefois s’interroger, et ce bien en amont de la polémique, sur le fait que ce deal a fuité très tôt dans la presse. Comme si certaines personnes souhaitaient à tout prix le faire capoter.

En tant que citoyen, cette affaire me semble révélatrice du fossé qui existe entre le monde politique et l’internet, mais en tant qu’entrepreneur, elle m’oblige aussi à revenir sur une question qui m’interpelle personnellement : pourquoi Netvibes et Dailymotion, qui ont été les fleurons du Web 2.0 à la française n’ont-ils pas eu le destin qu’ils méritaient ?

Il est rare que l’économie numérique fasse la Une des télés et radios. C’est pourtant dans ces moments que la non-maîtrise des sujets liés à l’économie numérique crève l’écran. Entre les confusions de noms de boîtes internet (Yahoo avec Youtube par exemple), l’emploi de termes vagues (ces nouvelles techniques, ce monde-là), la comparaison avec des choses qui n’ont rien à voir (l’Affaire Pechiney, Alstom), le monde politique semble décidément très mal à l’aise pour parler de ces sujets.

L’affaire Dailymotion aura aussi fait entrer en fanfare la question d’une politique industrielle numérique, ou plutôt de son absence, dans le débat public. Notre pays a toujours péché sur le sujet car nos élites politiques, économiques et médiatiques ne sont absolument pas à l’aise sur ces sujets.Il faut dire que les plans numériques se ressemblent tous et se limitent souvent à fibrer à prix d’or les campagnes françaises au nom de l’égalité des territoires alors que notre avenir est probablement dans le mobile, l’internet des objets et la 4G.

L'impact en est dévastateur.

J’ai toujours pensé que l’absence d’une politique numérique cohérente a fait perdre à la France probablement 1 million d’emplois nouveaux créés, surtout chez les jeunes. Et l’absence de perspective enthousiasmante fait filer nos meilleurs ingénieurs en Californie. L’augmentation probable du quota de visas H1B (visa de travail aux USA) devrait d’ailleurs inquiéter le gouvernement au plus haut point, car il est possible que cette augmentation entraîne le plus grand “brain drain” de l’histoire française récente avec, à la clé, l’exode de dizaines de milliers de talents du numérique !

Reste des questions que de nombreuses personnes se sont posées : Pourquoi les sociétés Netvibes et Dailymotion qui étaient les deux fleurons Français du Web 2.0 n’ont pas eu le destin international qu’elles méritaient ?

Credit Christophe Ginisty

C’était l’objet d’une discussion que j’ai eue avec Benjamin Bejbaum après notre départ respectif des deux sociétés. À l’occasion d’un long dîner et au fil d’une conversation passionnante, nous nous sommes rendu compte des incroyables points communs dans l’histoire de nos deux sociétés :

Nous étions tous les deux des entrepreneurs un peu idéalistes, obsédés par le développement du meilleur produit possible dans nos domaines. Nous avons connu très tôt un vrai succès d’estime et c’était nos premières “vraies” boîtes internationales avec des investisseurs. Le succès grandissant (et notre inexpérience) a fait que nous nous sommes retrouvés entourés de gens opportunistes et carriéristes qui, plutôt que nous aider à grandir dans nos rôles de CEO, souhaitaient surtout prendre nos places.

Avec le recul, je me rends compte à quel point, au-delà du recrutement d’une équipe technique de haut niveau, je n’ai pas su attirer les talents qui respectaient ma vision, ma façon de faire les choses et surtout mon ambition. De leader du web personnalisé, j’ai vu Netvibes se transformer progressivement en modeste SSII du Web 2.0, avec sa petite clientèle média et ses généreux bonus trimestriels pour les équipes commerciales.

Naturellement lorsqu’il a fallu prendre à nouveau des risques et embrasser la révolution mobile (iPhone) et sociale (Facebook), j’ai compris qu’on ne me suivrait pas. Et j’ai décidé de partir.

Depuis, le mobile et le « social » sont devenus les nouveaux fondamentaux du business et lorsque j’ai créé Jolicloud je me suis promis de ne m’entourer que de gens qui soutiendraient et respecteraient ma vision tout en m’aidant à compenser mes points faibles.

J’ai beaucoup appris de cette époque, mais je ne sais pas si en France on a véritablement compris la leçon. La France manque de Start-Up “disruptives”, parce qu’elle manque de confiance dans ses propres entrepreneurs et leur vision.

Pour être financé et soutenu en France, il faut souvent adapter un service qui a déjà marché ailleurs, soit se positionner sur un marché avec un business model clair de type e-commerce. Et aussi, il faut oser le dire, être diplômé d’une grande école.

Mais pour changer le monde et créer des champions mondiaux, il faut aussi oser s’attaquer à des marchés réputés imprenables, ou faire ce que personne n’a osé faire avant. Il faut savoir faire confiance à des gens souvent jeunes, sans aucune expérience, qui n’ont souvent jamais travaillé dans les domaines qu’ils veulent changer et qui vont recruter d’autres personnes également sans expérience. Mais avec une énergie et une qualité d’exécution incroyable.

Comme le font aux USA Airbnb, Dropbox, Stripe, Heroku ou encore plus près de nous en Europe, Soundcloud, Wooga, Wonga, Klarna, Spotify et tant d’autres.

Il est important, et sain, d’avoir des entrepreneurs qui veulent entrer en compétition avec les grands acteurs français, pour créer de nouveaux marchés et de nouvelles opportunités de croissance, n’en déplaise aux élites économiques de notre pays. L’État, au lieu d’en avoir peur, devrait savoir les encourager. À l’instar de Free, il faudrait des sociétés disruptives dans tous les secteurs, capables de revitaliser le pays et de recruter les talents avant qu’ils ne partent ailleurs.

L’actualité récente, avec les assises de l’entreprenariat, a montré à quel point un dialogue intelligent entre État, entrepreneurs et investisseurs devait permettre de remettre les choses dans la bonne direction.

Pourquoi ne pas entreprendre la même démarche pour l’économie numérique ?

Cinq idées pour réinventer la France à l'ère du numérique, par Tariq Krim.

Cinq idées pour réinventer la France à l'ère du numérique, par Tariq Krim.

L'entrepreneur, un des plus fins connaisseurs du Web, avance cinq propositions originales, concrètes, et particulièrement pertinentes. Chiche ?


Il y a un peu moins d'un mois, nous avons sollicité Tariq Krim, fondateur de Netvibes et Jolicloud, pour lui demander ce qui pourrait permettre d'accélérer l'innovation dans l'Hexagone. L'homme, né à Paris il y a 40 ans, a été repéré dès 2007 par la prestigieuse MIT Technology Review et a été sélectionné comme "Young Global Leader" lors du Forum de Davos en 2008. Par ailleurs chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres, il a une connaissance particulièrement fine de l'Internet. À ce titre, il estime que "le numérique est la chance pour réinventer notre pays et créer un million d'emplois en cinq ans". Voici ses propositions qu'il a intitulées "cinq idées pour réinventer la France à l'ère du numérique". Décapant car original, concis et surtout terriblement pertinent.

Cinq idées pour réinventer la France à l'ère du numérique, par Tariq Krim

1 - Une nouvelle politique de santé
La sécurité sociale est le rêve du siècle dernier. Aujourd'hui, tout Français devrait avoir accès à la prévention assistée par smartphone : glycémie, tension, stress, poids... Cela permettrait à l'Assurance maladie de sérieuses économies, de renforcer le leadership de nos start-up et de définir un nouveau standard de justice sociale : l'accès à la prévention moderne pour tous.

2 - Éradiquer l'analphabétisme numérique
La France a besoin aujourd'hui de 200 000 développeurs. Que fait l'école ? La programmation, le latin du XXIe siècle, doit être introduite dès la sixième. Enfin, créons une université du numérique en ligne, gratuite, ouverte à tous, avec des diplômes reconnus par l'État.

3 - L'État 100 % numérique en cinq ans
Comme pour le Minitel à son époque, offrons une tablette à tous nos concitoyens non équipés et passons tous les services de l'État sur mobile, simplifions les interfaces et les services. Pourquoi la France ne serait-elle pas le pays qui montre l'exemple ?

4 - Le "made in France" 2.0
L'impression 3D, c'est notre seconde chance de recréer notre industrie : produire à la demande des modèles uniques, réinventer la haute couture, les petites productions indépendantes, les pièces détachées et mettre fin au gaspillage de la production de masse en Chine. C'est aussi le retour des usines en France. Il faut soutenir ce secteur en ouvrant la porte du financement collaboratif, qui permet aux clients de soutenir des projets avant leur production.

5 - Un chief technology officer pour la France
Quelle politique technologique pour la France ? Quand le Premier ministre signe une charte sur le logiciel libre, la Ville de Paris s'équipe avec Microsoft. Quelles technologies pour les "apps" de l'État ? Google, Apple ou le format ouvert HTML5 ? Comme aux États-Unis, il devient urgent de nommer un CTO (directeur technique) capable de définir une action cohérente de l'État, de soutenir les start-up françaises et de réduire les dépenses idiotes ou inutiles.

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Il faut aider les startups Françaises.

Il faut aider les startups Françaises.

Vous faites partie de la communauté des Young Global Leaders (YGL) nommés en 2008. En quoi a consisté ce travail ?

Les YGL, c'est d'abord des rencontres, la dernière dans la ville chinoise de Tianjin, en 2008, lors d'une réunion du World Economic Forum. Nous avons des sessions de travail sur plusieurs notions (le leadership par exemple). Nous avons l'opportunité de rencontrer des personnalités au parcours extraordinaire.

Est-ce que cela aboutit à des initiatives concrètes ?

Absolument. Les YGL sont d'abord à la disposition du forum pour organiser des débats, envoyer des observations, pouvoir rencontrer des dirigeants qu'on informe sur l'actualité dans notre domaine d'activité, les nouvelles technologies dans mon cas. C'est surtout un réseau international.

Vous êtes présents cette année à Davos pour y délivrer quel message ?

Le forum est avant tout l'occasion de rencontrer des gens exceptionnels. Pas seulement les chefs d'états. Des entrepreneurs, des scientifiques, des artistes, dont certains sont de ma génération (Tariq Krim a 36 ans, ndlr). Davos est un lieu privilégié pour sentir ce que les leaders et experts pensent, surtout dans la grande période de doute que nous vivons actuellement. Dans mon cas, il est important de mesurer comment les médias, la technologie et l'internet qui sont les industries dans lesquelles je suis impliqué, vont pouvoir sortir de cette crise, et quelles sont les opportunités à venir.

Comment les entreprises du secteur des nouvelles technologies traversent-elles la crise économique ?

Elles la subissent de plein fouet. On compte déjà des dizaines de milliers d'emplois touchés. Le financement des start-up est affecté par le fait que les investisseurs sont eux même fragilisés par le "crédit crunch". J'ai eu l'occasion de parler avec plusieurs conseillers d'Obama sur ces questions et je pense que le plan de relance de la nouvelle administration américaine est très ambitieux et pourrait permettre de renforcer durablement l'économie high- tech américaine. En attendant la reprise, certains pays comme l'Angleterre vont supporter leur industrie high-tech. Je pense que c'est au niveau européen que l'on doit trouver rapidement des solutions. Les start-up européennes ne bénéficient déjà pas en temps normal de l'attention qu'elles méritent, hors ce sont elles qui construisent l'avenir. Il faut absolument les aider.

Vous souhaiteriez par exemple que la France adopte le même discours ?

Bien sur, j'ai le sentiment qu'on sous estime ce qui se passe ainsi que les conséquences pour notre pays. Ceci n'est pas une crise classique, c'est une crise transformationnelle qui va balayer un certain nombre d'acteurs qui n'auront plus aucune valeur ajoutée dans le monde de demain. Je ne saurais dire quand l'économie repartira, mais une chose est sûre, quand le moteur repartira les choix qui ont été faits dans les deux années à venir définiront les taux de croissance de notre pays. Obama a fait le pari d'une économie verte et d'installer une infrastructure haut débit digne de ce nom. En France, nous avons déjà une bonne infrastructure de haut débit, malheureusement nous n'avons qu'une industrie de l'internet très locale avec très peu de succès mondiaux. Et une volonté de protéger la presse papier plutôt que de financer uniquement la numérisation de cette dernière. Il faut en France un plan de relance plus ambitieux que celui des Etats-Unis, qui reconnaissent à la fois nos succès mais qui analysent avec honnêteté nos manques cruels dans les services internet et les stratégies en ligne des grands groupes.

Quels sont les besoins des entreprises dans votre secteur ?

Il y a quatre ans, nous étions quatre sociétés française du web 2.0 à pouvoir devenir des société de type Google ou Facebook. Aujourd'hui ces sociétés restent de tailles moyenne et sont fragilisées par la crise. Cette crise devrait être une opportunité de réfléchir aux raisons qui ont fait que nous n'avons pas de multinationale centrée sur l'activité web issue de France.
Les start-up ont besoin de capital à tout niveau de leur développement pour atteindre leurs ambitions mondiales. Aujourd'hui, on finit toujours par vendre aux grosses sociétés américaines. La crise de crédit touche tout le monde y compris les petites et moyennes entreprises. Aujourd'hui est probablement le meilleur moment pour lancer une société dans l'internet. J'espère voir émerger des milliers de start-up en France qui seront le catalyseur du changement dans ce pays. C'est aussi pour cela que j'ai rejoint en tant qu'associé le fond d'investissement ISAI qui investit sur des projets qui démarrent.

Que devient Netvibes dont vous avez quitté la direction l'année dernière ?

Netvibes poursuit son développement et propose désormais son expertise et sa technologie à de grandes marques. La société a annoncé qu'elle serait à l'équilibre d'ici à la fin de l'année. Dans le cadre d'une stratégie plus orienté vers le B2B, j'ai préféré laisser les commandes de la société dont je suis toujours actionnaire.

Ce ne sont donc pas uniquement ses revenus publicitaires qui financent Netvibes ?

Netvibes continue de faire une partie de ses revenus avec sa plate-forme publicitaire, mais cela demande du temps. L'une des leçons que je retiens c'est que l'innovation dans les médias et l'internet est souvent liée à une nouvelle forme de distribution et de création d'audience mais également à une création originale de revenus publicitaires. Si vous modifiez de manière durable ces modèles, vous captez alors une grande partie des revenus, comme c'est le cas pour Google.

A quoi ressemble votre nouvelle vie et surtout quels sont vos projets ?

Depuis que j'ai quitté Netvibes, j'ai passé beaucoup de temps à voyager et à consulter des amis ou participer à des colloques. Je travaille sur un projet de système d'exploitation gratuit pour cette nouvelle génération de portable ultra low-cost (moins de 400 euros). Nous en dirons plus dans les prochains mois mais c'est le projet le plus ambitieux sur lequel j'ai eu l'occasion de travailler à ce jour. C'est aussi le plus excitant car cette crise et la maturité des services internet va faire exploser les modèles économiques traditionnels de l'informatique et du logiciel.

Article original

Portrait :Tariq Krim, évangéliste 2.0.

Portrait :Tariq Krim, évangéliste 2.0.

INTERVIEW. Tariq Krim, spécialiste des médias sur Internet, est consultant pour de nombreux projets en ligne. Il a créé, il y a quelques années, un site d'information sur la musique en ligne, generationmp3.com, et s'est lancé, il y a plus de six mois, dans l'expérience Web 2.0 avec netvibes.com.



Le Web 2.0, qu'est-ce que c'est ?

Tariq Krim : J'ai lu un papier de Tim O'Reilly [auteur et éditeur d'ouvrages informatiques de référence] il y a un an et demi qui parlait de Web 2.0 avec des formules toutes prêtes et toutes faites sur ce que devait être le Web du futur. Moi, je perçois plus ça comme un retour aux sources : le Web a été placé en hibernation depuis l'avènement et la domination sans partage des géants comme Google, Yahoo! et Microsoft, qui ont expulsé les médias classiques du Web pour dominer ce marché. Depuis deux ou trois ans, des acteurs extrêmement innovants créent de nouvelles applications notamment autour des blogs, des podcasts ou des flux RSS.

En fait, ça n'est ni une évolution ni une révolution. C'est une continuité, une agrégation de tous les usages et de tous les modes d'accès tels les baladeurs mp3, les navigateurs et autres connexions à Internet. Ces nouveaux flux d'informations permettent une convergence universelle des services, et ont maintenant atteint un seuil critique, c'est pourquoi la demande des utilisateurs change. Ce qu'il manquait jusqu'à présent, c'était des outils simples de liaison entre tous les contenus et toutes les applications. Le RSS et ses dérivés, lancés il y a presque dix ans, commencent enfin à émerger.

Sur le Web, la matière première est l'information. Elle se décompose en deux types : l'information structurée – typiquement le blog, outil de production massive d'information structurée, mais aussi le podcast, les flux RSS, les calendriers iCal, et tout ce que l'on appelle les micro-formats, sans réel acteur dominant aujourd'hui – et, d'un autre côté, l'information non structurée – les pages Web –, restituée directement par des applications dont le leader absolu est Google.

Pourquoi maintenant ?

Tariq Krim : Maintenant que l'information se structure en amont, il y a de plus en plus d'outils spécialisés pour la manipuler. Newsvine est, par exemple, l'un des services, sans équivalent en France, que je trouve le plus abouti aujourd'hui. C'est l'hybridation parfaite entre deux autres outils agrégateurs de news que sont Digg et Memeoramdum. Pour ma part, j'ai créé Netvibes justement pour fournir un outil, une interface de visualisation d'informations structurées. Mais ce projet n'a pu voir le jour que parce que l'on a atteint un niveau, une masse critique d'informations structurées. C'est en quelque sorte un outil démocratique du Web 2.0. Il donne le contrôle afin de ne pas se "casser la tête" dans l'utilisation de toutes ces ressources.

Et paradoxalement, cette masse d'informations est le danger à venir : trop d'informations tue l'information. On est passé du "mass media" à l'information de masse. Il y a trop d'informations sur tout : par exemple, on peut avoir 500 blogueurs qui parlent du même sujet en même temps. La valeur ajoutée va aller à tous ces services qui permettent à l'utilisateur de reprendre le contrôle de cette masse d'informations.

Le Web 2.0 revient à se demander comment utiliser cette richesse de production d'informations et surtout comment la contrôler. La force de Google a été de transformer l'immensité du Web en quelques pages structurées où les internautes ont l'impression de trouver ce qu'ils cherchent. Tout l'enjeu du Web 2.0 va être de transformer les nouveaux vecteurs de production d'informations en quelque chose que l'on peut utiliser de manière intuitive.

Et la suite ? Le Web 3.0 ?

Tariq Krim : C'est le continuum. Au départ, l'information était un joyeux fouillis. Ensuite, elle a commencé à se structurer mais sans interconnexion. Puis ces informations ont été progressivement connectées entre elles, et nous en sommes maintenant au stade de la connexion permanente dans une sorte de "continuum informationnel permanent".

L'étape suivante va vers le online permanent des machines, mais aussi des gens, des objets, etc. Ce qui va poser de plus en plus de problèmes juridiques : demain, mon baladeur mp3 ou ma télévision deviennent, comme mon blog, un outil de diffusion de tout ce que j'écoute ou regarde. En face, mes auditeurs, mes spectateurs ou leurs objets peuvent à leur tour télécharger, conserver ou bien répondre en diffusant automatiquement par les mêmes circuits. Ipv6 permettra cet adressage unique de chaque objet de notre environnement, c'est une étape indispensable pour les adresses, mais aussi un réel danger de contrôle à la "Big Brother".

On peut faire l'analogie avec le pétrole à propos de valeur ajoutée : au début il y avait la matière brute, l'énergie. On a alors commencé à raffiner. Puis sont arrivés les produits dérivés, les plastiques. Donc une autre forme de valeur va émerger. D'après Google, ce sera l'émergence de l'intelligence artificielle appliquée à ce continuum d'informations. La science-fiction a défriché cela depuis longtemps et alerté sur la corrélation entre le nombre de connexions et l'arrivée d'une intelligente numérique : c'est le scénario des Terminator, Au-delà du réel, etc.

Mais quel que soit notre futur, ce qui est sûr, c'est que les médias traditionnels ont des questions à se poser. Ils vont devoir exister entre les blogs, les podcasts, la vidéo, mais également les amis producteurs d'informations, les objets communicants de notre environnement, etc. En somme, pour faire face à une information conventionnelle tellement massive, ils vont devoir réinventer leur rapport à l'information.

Propos recueillis par Olivier Dumons

Article d'origine

🟢 Étude ADAMI : Le peer to peer, un autre modèle économique pour la musique.

🟢 Étude ADAMI : Le peer to peer, un autre modèle économique pour la musique.

Le contexte

Les artistes interprètes et musiciens (Adami), puis les producteurs de cinéma m’avaient demandé à l’époque de les aider à réfléchir à des modèles économiques alternatifs aux grandes plateformes numériques (Apple et Microsoft).

J’ai fait la suggestion suivante, et si le téléchargement pair-à-pair pouvait être monétisé en utilisant le même système de rémunération des ayants droits que la radio ? 

💡
Une forme de licence légale qui permettrait de dégager un revenu pour l’ensemble des créateurs
💿
L’objectif à l’époque était de proposer une alternative éthique au système de la musique sous DRM, un mécanisme de protection anticopie très en vogue au début des années 2000 qui empêchait la copie privée légale sur les clefs USB, CD et disque dur. 
À L'époque de nombreuses manifestations avaient été organisées.

En collaborant avec de nombreux juristes, mon étude aurait permis de construire un modèle de financement pour la culture numérique qui combinait une licence légale sur le P2P, des aides à la numérisation des petits labels indépendants, et la création de plateformes de distribution de contenus numériques indépendantes en MP3. Le modèle a été mis en œuvre par le label Warp en Angleterre (Bleep.com), par Believe en France et par Bandcamp aux États-Unis. 

🙁
Hélas, mon travail a été instrumentalisé par certains acteurs pour proposer une licence globale. Un modèle qui allait beaucoup plus loin que mes propositions et qui suggérait une licence “globale” qui légalisait l’ensemble des téléchargements P2P sans proposer de modèle économique viable à l’industrie. C’est cette version du projet qui a été, contre mon avis, proposée lors du débat sur la Loi Dadvsi (ancêtre de l’Hadopi) et rejetée.

À l’époque, le streaming n'existait pas encore. Il s’agissait exclusivement de ventes de titres à l’unité sur des magasins de fichiers. 

💡
J’avais prédit dans mon étude que si on laissait les grandes plateformes prendre le contrôle de la distribution de la musique, alors la part des artistes allait diminuer. En effet, en devenant actionnaires des grandes plateformes de streaming comme Spotify, les labels peuvent se faire rémunérer sous la forme de dividendes, paiements qu’ils ne sont pas obligés de reverser aux artistes. 
🌐
À noter que cette étude incluait une section géopolitique du P2P ainsi que la première tentative de comprendre comment les réseaux P2P fonctionnent juridiquement et techniquement. 

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