Cybernetica propose une autre vision du numérique pour se préparer au futur qui se dessine (géopolitique, nouvelles conflictualités, IA, cultures synthétiques, économie post-données).
ENTRETIEN // Entrepreneur et pionnier du web français, Tariq Krim revient avec nous sur l'ambition d'un cloud européen souverain, la perte de savoir-faire en France et l'importance pour les acteurs technologiques hexagonaux de conserver leur valeur.
Fondateur de Netvibes, Jolicloud et Polite.one, entre autres, ancien vice-président du Conseil national numérique, Tariq Krim est largement considéré comme un acteur majeur du web français. Les Numériques a pu s'entretenir avec celui qui se définit comme “un entrepreneur tech avec une âme” sur les ambitions française et européenne en matière de cloud souverain.
Monde numérique : Face aux risques de perte de notre souveraineté dans le cloud, l'entrepreneur du numérique Tariq Krim en appelle à une prise de conscience des pouvoirs publics.
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Alors que l'on assiste à des associations entre des groupes français et des entreprises américaines du numérique (Capgemini et Orange avec Microsoft, Thales avec Google), des voix s'élèvent contre les risques de ces rapprochements en termes de souveraineté numérique. Selon Tariq Krim, pionnier du numérique français, cela fait peser un grand risque sur les données privées des français et sur l'indépendance technologique de la France à long terme.
🎙 Tariq Krim, entrepreneur du numérique (Netvibes, Jolicloud, etc.)
C’est l’histoire d’un entrepreneur engagé : Tariq Krim, personnalité influente dans le secteur du numérique, est un ardent défenseur de la souveraineté française et européenne face aux géants américains et chinois. Riche d’un parcours international, cet agitateur d’idées alerte les autorités sur les risques de l’époque.
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À l’approche de la cinquantaine, après plusieurs décennies de réflexions sur la vie numérique, Tariq Krim serait-il fatigué ou résigné de prêcher dans le désert ? Cet homme calme et posé n’en donne absolument pas l’impression. On le dirait même surmotivé, regonflé par les derniers événements qui placent les mastodontes du web au cœur de nos vies. Car Tariq Krim a passé l’essentiel de son existence à réfléchir sur l'avenir de l'informatique. Français d'origine algérienne (ses parents professeurs d’économie et de sport sont nés de l’autre côté de la Méditerranée), il a compris dès son enfance à Paris ce que serait notre monde d'aujourd'hui. « Dans les années 1980 et le début des années 1990, j’ai eu la chance de découvrir le monde des réseaux avant l’internet, de prendre conscience que c’était ça l’avenir. Très jeune, un ordinateur connecté à un Modem et à un autre ordinateur à l’autre bout de la planète, je me suis dit que c’était ça que je voudrais faire plus tard. »
Les GAFAM dans le viseur
Et Tariq Krim a tenu promesse. Depuis, il alimente, décrypte, bouscule cette cyberculture toujours plus triomphante. D'abord en France dans le journalisme économique, puis aux États-Unis dans la Silicon Valley. Il lance un site spécialisé dans la musique en ligne, en plein débat sur les échanges de fichiers musicaux. Insuffisant pour ce touche-à-tout, qui à la lumière de ses expériences transatlantiques se lance dans plusieurs combats numériques : le droit à l'information, le partage des savoirs, le respect de la vie privée. En ligne de mire, les géants du secteur, à commencer par les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). « Au fur et à mesure, des pans entiers de l’internet ont été contrôlés par des entreprises dominantes. Il n’y a plus eu de compétition. C’est ce que j’appelle parfois la grande dépossession. Toute notre vie numérique est allée dans le cloud, et aujourd’hui, on n’a pas forcément l’accès complet à ces informations. Aujourd’hui, on utilise des briques technologiques, des infrastructures dont on dépend, ce qui pose des questions de souveraineté. »
Choix économiques et souveraineté
Ce grand voyageur voudrait inspirer les dirigeants politiques, tout en désapprouvant leurs choix trop guidés selon lui par des considérations économiques, à courte vue. Par exemple en matière de cybersécurité, après les attaques venues de Chine et de Russie. « La question est de savoir si nous (les Européens) devrions rejoindre une sorte d’Otan numérique souhaitée par l’administration Biden, dans lequel ils perdraient une grosse partie de notre souveraineté. Ou est-ce que nous construisons notre propre environnement autonome en développant une souveraineté numérique essentielle si nous souhaitons vivre comme nous le souhaitons dans les trente ans qui viennent. » Tariq Krim estime que la France devrait mieux valoriser ses développeurs. Il doit lancer en France dans les semaines qui viennent la première plateforme de souveraineté numérique personnelle qui s’appuie sur les acteurs locaux du Cloud.
Tariq Krim est l’auteur d'un ouvrage : « Lettre à ceux qui veulent faire tourner la France sur l'ordinateur de quelqu'un d'autre. Requiem pour la souveraineté numérique »,
INTERVIEW. « Nous sommes en train de créer une économie où il ne nous restera que les miettes », avertit Tariq Krim, fervent défenseur des développeurs français.
Propos recueillis par Guillaume Grallet
Entrepreneur pionnier du Web et ancien vice-président du Conseil national du numérique, Tariq Krim s’apprête à lancer la première plateforme de souveraineté numérique citoyenne qui s’appuie sur les acteurs français du cloud. Cette technologie, comme il l'explique dans un livre disponible en libre accès, est en effet essentielle dans nos vies : du stockage de fichiers pour smartphone au logiciel de comptabilité en ligne, en passant par les jeux vidéo à la demande. Or ces services sont de plus en plus dominés par les grandes entreprises américaines et chinoises que sont Amazon, Google, Microsoft, Alibaba ou encore Tencent. Cela se comprend, car ces sociétés, qui investissent énormément en recherche et développement, offrent des services particulièrement efficaces. Mais cela peut poser des questions lorsque les données concernées sont rattachées à des fonctions régaliennes, par exemple l’éducation, la santé ou encore la sécurité.
Né à Paris, le créateur de Netvibes, Jolicloud et Polite.one a toujours pensé que la France avait les ressources pour offrir une alternative aux Big Tech. Repéré en 2007 par la MIT Technology Review dans le groupe TR35, qui distinguait les meilleurs innovateurs de moins de 35 ans, la même année que Mark Zuckerberg et Garett Camp, le créateur d’Uber, il a établi en 2014 un rapport sur les développeurs français de talent. Et estime toujours aujourd’hui que le manque de reconnaissance et de soutien du savoir-faire technologique français empêche notre pays de devenir un leader du numérique. Mais il n’est pas trop tard pour agir, à condition cependant que notre classe politique s’empare de ces enjeux.
**Vous venez de mettre en ligne un livre manifeste : Lettre à ceux qui veulent faire tourner la France sur les ordinateurs de quelqu’un d’autre. Pourquoi l’avoir écrit?
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Parce que je suis très inquiet de la direction que prend la France avec le nouveau plan Cloud (présenté le 17 mai dernier NDLR). Faire entrer les GAFAM au cœur de l’État dans la quasi indifférence générale est une très grave erreur. C’est un saut dans l’inconnu dont on ne mesure pas toutes les conséquences à moyen terme. Jamais un tel niveau de dépendance n'avais été expérimenté même en plein coeur de la Guerre Froide.
J’ai fait cet essai pour permettre à chacun d’entre nous d’en décrypter les enjeux et d'en comprendre les conséquences à 9 mois des élections présidentielles.
La question de la souveraineté numérique impact notre avenir de manière très large par exemple sur la question des retraites.
Pourquoi?
Il est important de rappeler le modèle des retraites aux États-Unis est basé sur la bourse. Quand les GAFAM capitalisent plus de 9000 milliards de dollars de valorisation combinée alors, les retraites américaines sont garanties. Tous les présidents américains, Trump y compris, l’ont compris et n’ont rien fait qui soit vraiment dommageable aux entreprises Tech. Depuis qu’Amazon a détrôné l’entreprise pétrolière Aramco ce mois-ci, les GAFAM sont désormais les 5 premières entreprises au monde. Elles sont aussi les principales pourvoyeuses d’emplois qualifiés en recrutant à tout-va les meilleurs ingénieurs du monde entier. Aux États-Unis avec Amazon, elles sont aussi désormais les principaux employeurs de jobs non qualifiés. C’est un modèle pernicieux : vous manipulez du code informatique ou des colis ; dans ce nouveau monde il n’y a pas d’entre-deux, pas de classe moyenne.
En France, pour que les retraites par répartition soient financées, il faut que l’on puisse continuer à créer des emplois qualifiés sur le long terme. Dans le monde numérique la voie royale c’est l’ingénieur informatique. Quand les grande entreprises ou l'Etat passent sur les cloud américains, cela veut dire qu'ils renforcent la valorisation de ces acteurs au détriment de notre écosystème local. Entre les aides d'état comme le crédit impôt recherche et les partenariats avec de Grandes écoles comme Normal Sup qui leur servent désormais leurs meilleurs étudiants sur un plateau nous sommes en train de créer une économie ou il nous restera que les emplois non qualifiés qui résultent du numérique.
D’une certaine manière la pandémie nous a donné un aperçu de ce futur: Voir nos centre-villes fermés et le ballet permanent de scooters et camionnettes livrant les gens du matin au soir.
Il faut comprendre que le choix du modèle numérique que nous devons adopter doit entrer dans le débat de 2022
Pourquoi le Cloud constitue-t-il un virage technologique important pour la société?
Le Cloud est d’origine militaire. En 1982 la société Grid lance le premier service de Cloud intégré à l’ordinateur Grid Compass qui sera l’ordinateur de prédilection de la CIA et de la NSA notamment pour les agents à l’étranger. Dès le départ se pose la question de la confiance. Bien avant l’arrivée de l’Internet commercial, les principales sociétés qui travaillent sur ces technologies comme NeXT (la seconde société de Steve Jobs) ou Sun Microsystem doivent construire un écosystème de confiance vis-à-vis de l’Armée puis de Wall Street. Il faudra attendre 2007 pour que l’idée du Cloud devienne grand public avec l’arrivée de l’iPhone. A partir de ce moment les données, emails, contacts qui étaient dans nos ordinateurs vont être délocalisés sur les serveurs des grandes plateformes. C'est d'ailleurs l'acte de naissance des GAFAM.
**Comment expliquer que cette industrie et les services qui y sont liés soient dominés par les acteurs américains et asiatiques ?
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Parce que nous Européens avons décidé de sous-traiter tout ce qui était difficile. Les syndicats nous embêtent, délocalisons en Chine ; l’Informatique interne coûte trop cher, transférons-la aux sociétés de services et aux grands acteurs du Cloud. Et si c’est trop compliqué de mettre à jour l’informatique d’État, alors, et c’est ce qui a été annoncé, faisons-la tourner sur les Clouds des GAFAM ou plutôt la version franchisée à quelques acteurs français. À force de n’avoir rien fait, pas investi et surtout promu un entre-soi qui fait que les projets les plus mauvais sont toujours ceux qui sont choisis, nous en sommes là.
**Est-il trop pour la France? N'a-t-elle pas les ressources pour jouer un rôle de premier plan dans le Cloud et dans les technologies en général ?
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Le Cloud c’est essentiellement du logiciel. C’est un domaine d’excellence en France, il n’y a aucune barrière de compétence, juste la trouille de l’État de faire confiance aux petites entreprises. Créons un Small Business Act à la française, investissant la moitié de l’argent de la French Tech là-dessus et nous serons un des acteurs importants du domaine.
**Que faut-il faire pour que la France retrouve sa souveraineté numérique ?
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Seul un service de l'État est vraiment souverain, c’est la Gendarmerie Nationale. Ce serait pas mal de leur demander comment faire pour que les autres services le soient aussi.
La France était l’un des rares pays Européens à pouvoir se doter d'une politique de souveraineté en matière de numérique.
Malheureusement, en 15 ans, nous sommes devenus très dépendants d’une infrastructure numérique que nous ne contrôlons ni économiquement, ni technologiquement, ni culturellement.
💡
Au départ, nous n’étions qu’une poignée à nous en inquiéter.
Je me suis impliqué dans ce combat à cinq reprises :
1️⃣
Au début des années 2000 lors de la bataille du MP3 en m’opposant aux grandes plateformes de musique en ligne qui voulaient enfermer la culture européenne dans leurs technologies propriétaires.
2️⃣
En tant qu’entrepreneur, en concurrence frontale avec mes startups Netvibes et Jolicloud face à Google. J’étais aux premières loges de la naissance des GAFAM et témoin du soutien passif des politiques à ces derniers au nom de la modernité.
3️⃣
En inspirant la création d’un eG8 (2011) en marge du G8 présidé par Nicolas Sarkozy et en imposant des entrepreneurs européens sur les panels qui étaient initialement dédiés exclusivement aux acteurs de la Silicon Valley.
4️⃣
En tant que Vice-président du Conseil National du Numérique, et parallèlement dans le cadre d’une mission de préfiguration de la French Tech (2013) qui m’avait été confiée par le Premier ministre et la Secrétaire d'État au numérique Fleur Pellerin.
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J’avais mis en avant dans cette étude une politique d’innovation basée sur la promotion des développeurs, l’émancipation par le logiciel et la souveraineté numérique. La ministre suivante, Axelle Lemaire, s’en est fortement inspirée pour la création du Visa Pass French Tech et la création d’une direction du numérique (Dinum).
5️⃣
En alertant sur le choix fait par le Health Data Hub, juste avant la crise sanitaire (2019), de choisir le Cloud de Microsoft soumis aux lois extraterritoriales.
Mes essais sur la souveraineté numérique ont eu beaucoup de succès. Ils seront republiés par les Éditions Cybernetica.
Sortir de la naïveté
Longtemps taboue, la souveraineté numérique est désormais sur toutes les lèvres.
Il faut dire que l'élection de Trump et son discours anti-européen et anti-OTAN, la guerre froide technologique entre les États-Unis et la Chine, la crise du Covid ou la guerre en Ukraine ont révélé des divergences d’intérêts et de valeurs importantes entre l'Europe et le reste du monde, mais aussi entre pays européens.
Pour le gouvernement français, continuer à ignorer la question de la souveraineté numérique dans un tel contexte géopolitique n'était plus tenable.
Sortir de la caricature
Contrairement à ce qui a souvent été affirmé, défendre l’idée d’une souveraineté numérique ne veut pas dire être anti-européen ou anti-GAFAM.
🇪🇺
Pourtant, il existe en Europe une centaine d’entreprises qui ont construit les briques nécessaires pour proposer une alternative : la stack d’émancipation. Mais par facilité, les États préfèrent utiliser les briques technologiques américaines et chinoises.
❗
En Europe et en France, nous avons alloué beaucoup d’argent public qui bénéficie aux plateformes américaines et chinoises à travers des projets de recherches. Nous leur avons ouvert sans contraintes nos marchés intérieurs. L'inverse est rarement vrai.
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Nous devrions plutôt créer les conditions qui permettent à l’ensemble des acteurs publics et privés de nous fournir ces capacités technologiques d’émancipation. C’est vrai pour le Cloud, mais aussi pour l’intelligence artificielle et le Edge computing.
Dans un monde géopolitiquement incertain, nous aurons besoin de nous assurer que nous contrôlons les fondations numériques qui font tourner nos États.
Il est important que le numérique soit au même niveau de criticité que les questions de souveraineté énergétique, alimentaire, militaire et industrielle. Une forme de retour aux sources.
Revenir aux origines de la souveraineté numérique
1983) à permis à une génération de jeunes français (dont moi) de découvrir l’informatique apprise au MIT.
La volonté de souveraineté numérique s’inscrit dans une histoire française du numérique souvent mal connue ou caricaturée. Il est pourtant important de la connaître pour prolonger son héritage et la vision singulière du numérique français.
Après la Deuxième Guerre mondiale, alors que le plan Marshall conditionne économiquement la reconstruction de l’Europe, deux pays, la France et l’Angleterre, décident de s’émanciper des restrictions imposées par les États-Unis pour développer leur propre filière informatique.
Ces deux pays l’ont bien compris : sans ordinateur, il ne leur sera pas possible de construire une bombe atomique. Et sans dissuasion nucléaire, il aurait été probablement impossible pour la France de peser au niveau international en pleine Guerre Froide.
L’informatique est une technologie duale.C’est l’investissement militaire qui finance la R&D (le programme Apollo et ses besoins en miniaturisation ont accéléré le développement des microprocesseurs). C’est la demande folle en puissance de calcul de la NSA (la très secrète agence américaine) qui a fait progresser de manière considérable les super ordinateurs. Cela permettra aux États-Unis de bénéficier de ces avancées pour entériner leur domination économique dès les années soixantes.
Mais la France n’est pas en reste. Elle est considérée comme l’une des nations les plus avancées en matière d’industrie informatique, mais elle a besoin d’ordinateurs plus avancés. Ce sera la raison d’être du plan calcul. Un plan qui sera arrêté brutalement par Giscard d’Estaing qui préférera soutenir quelques grands patrons d’entreprises privées qui souhaitent s’allier avec des sociétés américaines.
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Il faut relire le livre French Ordinateur qui retrace cette période.
Il y aura pourtant de nombreuses retombées positives comme le premier micro-ordinateur inventé par François Gernelle. Il y aura aussi des expérimentations faites très tôt sur l’ARPANET par des ingénieurs Français.
Hélas, de manière constante, ces avancées seront toujours mises à mal, voire stoppées par certains acteurs au sein de l’État français.
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Par idéologie : dès les années 70, en ne choisissant pas CYCLADE, l'architecture décentralisée de Louis Pouzin (qui deviendra la base de l’Internet aux États-Unis) et lui préférant un modèle centralisé et propriétaire (X25) pour équiper le Minitel, et en acceptant du bout des doigts et que très tardivement le Web.
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Par manque d'ambition : à la fin des années 90, en refusant de soutenir Linux, pourtant inventée en Europe et très populaire chez les développeurs français, lui préférant les partenariats entre les SSII et les grands acteurs de logiciels américains pour construire notre informatique d’État.
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Par facilité : Malgré la controverse sur l’hébergement des données de santé (Health Data Hub), il se fait sur le cloud de Microsoft. Comme une grande partie des startups de la French Tech.
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Le Cloud de Confiance : depuis 2021 et la directive Cloud au Centre, le gouvernement n’interdit plus aux grandes plateformes américaines d’héberger les données sensibles, mais elles devront le faire en créant des joint-ventures avec des acteurs français et dans le respect de la norme dite Sec Num Cloud. Une décision qui désavantage forcément la filière locale du cloud.
Quel avenir pour la souveraineté numérique ?
La guerre en Ukraine et les nouvelles tensions géopolitiques ont accéléré la militarisation et la fragmentation de l’Internet. Elles ont aussi clarifié les allégeances des grandes plateformes numériques américaines et chinoises à la politique étrangère de leur pays d'origine.
Le contexte oblige l’Europe à jongler simultanément entre trois stratégies : au niveau de l’OTAN, au niveau de l’Europe et au niveau des intérêts de chaque nation.
Ces stratégies ne sont pas forcément convergentes, même si les gouvernements tentent de les articuler du mieux possible.
Dans ce contexte, il va falloir repenser la défense des citoyens, des entreprises et des intérêts vitaux des États. Cela nécessite de nouvelles stratégies numériques et une politique active de résilience.
En cas de guerre numérique, le réglementaire ne fonctionne pas, il devient un frein. Il faut donc s’assurer que nous aurons les compétences techniques et un plan B en cas de défaillance du réseau mondial (sabotage de câbles sous-marins ou satellites par exemple).
Ces nouveaux défis, auxquels nous allons devoir faire face, sont inédits dans l'histoire de l’internet.
Pour ce nouvel épisode du Débrief de la semaine, Cédric Ingrand, Pierre Harand, Tariq Krim décodent les dessous de la guerre où s’affrontent Facebook, Google, mais également les acteurs de la publicité, avec Apple.
Facebook a fait part lundi de sa dernière tactique pour tenter de contrer Apple sur l’épineuse question de la collecte des données personnelles: le géant des réseaux sociaux va diffuser ses propres informations à ses utilisateurs à côté de celles du fabricant de l’iPhone.
« Pour aider les gens à prendre une décision plus informée (accepter ou non d’être pisté à des fins de ciblage publicitaire, ndlr), nous montrons aussi notre propre notification, à côté de celle d’Apple, qui ne fournit aucun contexte sur les bénéfices des pubs personnalisées », a indiqué dans un communiqué Dan Levy, le vice-président du groupe en charge des produits publicitaires. La dernière mise à jour du système d’exploitation mobile iOS d’Apple, prévue pour cette année, va obliger les éditeurs d’applications à demander aux usagers leur permission pour les suivre à la trace.
Depuis, Facebook ne décolère pas, car cette mesure va limiter sa capacité à cibler efficacement les consommateurs avec des annonces personnalisées sur les smartphones et sur le web. C’est le coeur de son modèle économique et de celui de nombreux éditeurs d’applications: leurs services sont gratuits, mais ils se rémunèrent grâce à la vente d’espaces publicitaires ciblés (et anonymisés). La nouvelle fenêtre de consentement d’Apple « suggère qu’il faut choisir entre la publicité personnalisée et la confidentialité des données, alors qu’en réalité nous pouvons fournir les deux et nous le faisons déjà », insiste Dan Levy.