Trump et les réseaux sociaux.
Donald Trump, l'homme qui a court-circuité la démocratie grâce aux réseaux sociaux, se voit aujourd'hui banni de Facebook et Twitter, Snapchat et les autres. Que reste-t-il de la souveraineté de l'Etat à l'heure du néo-capitalisme numérique ?
Le 8 janvier : le président sortant des Etats-Unis a été banni de Twitter, où il totalise 88 millions d’abonnés, puis de Facebook -35 millions d'abonnés-, et d’Instagram pour cause de "risque de nouvelles incitations à la violence", et ceci jusqu’à la fin de la transition du pouvoir. Mark Zuckerberg a personnellement annoncé dans un post la décision prise de manière à ce que Trump ne puisse plus "justifier plutôt que condamner les actes de ses supporters au Capitole". Dans la foulée, Snapchat, TikTok, Twitch, Microsoft, Youtube et Reddit ont également suspendu leurs services. Google et Apple, de leur côté, ont retiré de leurs applications la plateforme Parler, censée servir de Twitter alternatif à l’extrême droite, et dont le compte a aussi été fermé par Amazon.
Sitôt connue, la décision des réseaux sociaux a suscitée des commentaires plus qu’alarmistes. "La régulation des géants du numérique ne peut pas se faire par l’oligarchie numérique elle-même" a ainsi commenté Bruno Le Maire sur France-Inter, tandis que le commissaire européen au numérique Thierry Breton la comparait à "un 11 septembre de l’espace informationnel".
Pour la première fois en tous cas, pour préserver la démocratie, un président en exercice voit sa liberté d’expression réduite par les réseaux sociaux. Quelle situation cela crée-t-il ? Quelles perspectives est-ce que cela ouvre ?
Quels mécanismes de régulation ?
On est face à un mouvement opportuniste et tardif et malheureusement, le terme clé, justement : ce n'est qu'une suspension. [...] C'est tout ce système de financement de la politique américaine qu'il conviendrait de revoir qui a eu un fonctionnement quasi-séculier. Bernard Benhamou
Il y a bien un accompagnement de la transition du pouvoir ; en effet, il y a des actes d'allégeance vis-à-vis d'une nouvelle administration. Cela dit, avec l'administration de Biden je ne suis pas absolument certaine qu'elle y ait un retournement idéologique majeur. Asma Mhalla
Un modèle viral
Au-delà même des modèles économiques basés sur la viralité, la fragmentation, les algorithmes de recommandation et donc aussi l'éclatement de ce qu'on appelle une société civile, se pose la question de ce qui amène ce malaise démocratique ? Ce n'est pas en bannissant des plateformes des idées avec lesquelles on est en malaise ou en désaccord qu'on résout fondamentalement le problème.[...] Il y a cette importation du modèle en Europe et en France en particulier. On avait une autre doctrine idéologique de ce qu'était l'État-nation. Cela pose des problèmes politiques et démocratiques majeurs. Asma Mhalla
On ne peut pas laisser le futur de nos démocraties être décidé dans quelques conseils d'administration de sociétés américaines. [...] Il faut se poser la question d'une troisième voie européenne. Bernard Benhamou
Ce que j'appelle aujourd'hui les suprémacistes numériques, ce sont des gens qui pensent que le monde est une équation mathématique qu'il faut optimiser ! Et malheureusement, lorsqu'on souhaite optimiser la démocratie qui est imparfaite -le fait que chacun d'entre nous ait sa propre liberté de pensée- c'est justement peut-être la forme la plus imparfaite d'organisation du monde- doit être changée. Donc ce n'est pas uniquement un combat de technologie mais une véritable vision du monde. Cette idée de mettre de l'intelligence artificielle partout, ça veut dire également : la fin de la pensée. Tariq Krim