Alors qu'Axelle Lemaire vient d'être nommée secrétaire d'Etat au Numérique, Tariq Krim, serial entrepreneur du web et vice-Président du Conseil National du Numérique, lui souffle quelques conseils à l'oreille.
De nombreux challenges attendent le nouveau Ministre en charge du numérique et son possible Secrétaire d’Etat. Au-delà des grandes réformes économiques annoncées par le Premier Ministre et leur impact sur le numérique, de la future “loi numérique” (initialement prévue pour la fin de l’année), il va devoir aussi composer sur la forte mobilisation de l’écosystème des startups bien décidées à protéger les avancées obtenues. Il est également important qu'il soit bien entendu que les bénéfices de la transition numérique profitent à tous. Voici dix idées nouvelles qui pourraient être mises en oeuvre.
1- Mettre rapidement en place un site numérique gouv.fr fédérateur. Celui-ci concentrerait l’ensemble des informations et liens autour de l’économique numérique en France. Il proposerait un annuaire des aides, des dispositifs, des concours et des appels à projets qui sont le plus souvent éparpillés sur des dizaines de sites ainsi qu’un blog pour que l’ensemble de la communauté soit informé des dernières actualités.
2- Nommer un “Monsieur startup”. Présent dans le cabinet du ministre ou du secrétaire d'Etat, ce correspondant serait officiellement l’interlocuteur du secteur à plein temps. Il faut choisir à ce poste un profil qui connaisse bien la spécificité des modèles de financement mais qui soit aussi capable de les promouvoir auprès des acteurs publics.
3- Modifier certaines règles liées au CIR et au CII. Il faudrait en effet obtenir de Bercy une réduction importante du délai de paiement du Crédit Impôt Recherche (CIR) et du Crédit Impôt Innovation (CII). Les règles d'attribution de ces crédits doivent aussi être modifiées pour y apporter plus de souplesse. A l’inverse des grandes sociétés qui peuvent immédiatement déduire leur CIR de leur impôt sur les sociétés, les petites startups sans revenus doivent souvent attendre plusieurs mois avant de recevoir leur crédit d’impôt, ce qui les fragilise. Enfin pour bénéficier du CIR, il est quasiment indispensable de pouvoir justifier de diplômes d’ingénieur ou de techniciens ce qui écarte du calcul les développeurs autodidactes et les nouveaux profils techniques des startups par exemple.
4- Un rapprochement du CAC 40 et de l'écosystème numérique. L'idéal serait de réussir à réunir l’ensemble des patrons du CAC 40 pour les inciter à investir plus largement dans l’écosystème numérique français, à travers des fonds de corporate ventures, des fonds sectoriels ainsi qu’en augmentant le nombre de leurs acquisitions.
5- Promouvoir un programme “French Saas”. Il faut soutenir les solutions de cloud computing de type Software-as-a-Service (Saas) créées par des sociétés françaises. Il est incroyable que les startups françaises présentes dans ce domaine trouvent souvent leurs premiers clients aux Etats-Unis. Pour les aider, l'Etat pourrait mettre en priorité ces solutions Saas dans son programme d’achats innovants. Il faudrait ainsi repenser les dispositifs d’aides et incitations fiscales pour permettre à ce modèle de se développer plus facilement en France surtout auprès des administrations.
6- Développer un programme ambitieux d’open hardware français. Nous pourrions alors nous inspirer des initiatives Raspberry menées en Angleterre ou Arduino en Italie ; et relancer les formations de type bac technique en électronique afin de créer de nouveaux débouchés d’emplois dans le numérique à travers l’électronique.
7- Initier une réflexion sur l’usage des crypto monnaies. Pourquoi ne pas utiliser les monnaies de type Bitcoin, Litecoin,... pour le micropaiement sans friction (don, culture, échange gré à gré) et la création de chambres de compensations (conversion vers l’économie réelle) qui ferait de la France l’un des pays pionniers et leaders du secteur avec de nouvelles opportunités de revenus.
8- Mobiliser les meilleurs talents français du numérique. Pourquoi ne pas s'inspirer de l'initiative “Code for America” pour créer un équivalent national “Code pour la France”. Il s'agirait de mobiliser les meilleurs talents numériques pour rendre plus performant le fonctionnement de l’Etat ; travailler avec les écoles d'ingénieurs, les syndicats professionnels et améliorer ainsi les conditions d’exercice des développeurs.
9- Lancer des concours pour dynamiser le lancement de projets. Ces concours d’applications et “challenges” seraient lancés autour d’un problème à résoudre. Ils mobiliseraient les étudiants, chercheurs, startups autour de l’amélioration des services publics (santé, éducation, culture…), de la maîtrise des comptes publics ou pour l’invention de nouveaux services.
10. Transformer l’Etat en terrain d’expérimentation de la “sharing economy”. C'est en s'inspirant d'idées comme celles d'airbnb ou de blablacar qui donnent une priorité à l’usage, que nous pourrions trouver de nouvelles pistes de développement autour par exemple de la location de biens et services plutôt que de penser toujours à un système primant leur acquisition (parc immobilier, flotte de véhicules, acquisition d’expertises …).